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Turriers

Eau à destination de la consommation humaine

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Eau à destination de la consommation humaine

Jean-Yves Sigaud, maire de Turriers, présente les travaux de grande ampleur que sa commune a entrepris pour rénover son réseau de distribution des eaux qui datait de 1936. Il revient sur l’importance des problématiques liées à la sécurité sanitaire et le pilotage d’un tel réseau en abordant notamment l’exemplarité de la mairie ainsi que le coût d’un tel projet pour sa commune.

Interview de Jean-Yves SIGAUD, maire de Turriers

Jean-Yves Sigaud présente les travaux de grande ampleur que sa commune a entrepris pour rénover son réseau de distribution des eaux qui datait de 1936. Il revient sur l’importance des problématiques liées à la sécurité sanitaire et le pilotage d’un tel réseau en abordant notamment le thème du contrôle du débit et des taux de sulfates.


À quelles problématiques répond votre action ? 

Notre action répond à la problématique de la qualité de l'eau. Avant les travaux, nous avions une eau issue de plusieurs sources dont certaines étaient très sulfatées. Mélangée, cette eau dépassait régulièrement les normes admissibles. Avec l’absence de périmètres de protection, nous avions également de temps en temps des pollutions microbiennes Nous avions aussi un manque d'eau et de manière générale un besoin de renouvellement.

Dans quel contexte s'inscrit cette action ?

Les réseaux de distribution d’eau de la commune dataient de 1936. Il s’était depuis étendu mais n’avaient jamais été renouvelés. La vieillesse de ce réseau et les problèmes de pollution ne permettait pas d’assurer une distribution à un niveau de qualité que chacun des utilisateurs est en droit d’attendre.

A quels enjeux du territoire répond le projet ?

En termes d'enjeux globaux, nous visons une meilleure utilisation des ressources. Avant, nous utilisions toute l'eau qui venait des sources, maintenant nous n'utilisons que ce dont nous avons besoin. D'autres enjeux sont, bien sûr, la sécurité sanitaire et juridique.

Y a-t-il eu un diagnostic ? L'action s'est-elle réalisée sur un ressenti ou sur une priorité politique ?

Oui, toute la phase d'étude s'est déroulée entre 2010 et 2014. Je n’étais pas maire à l’époque donc je ne peux pas vous en parler en détails. Notre action repose sur une étude hydrogéologique et une idée de projet innovante émis par la DDT, l’ARS et l’hydrogéologue qui souhaitaient aborder les problématiques que nous venons de citer. Les travaux entrepris ont donc permis d’aménager les sources, d’intégrer un système de chloration gazeuse, de récupérer les surverses, entre autres.

Quelle est l'histoire du projet (éléments déclencheurs, opportunités, etc.) ?

Outre les éléments de contexte déjà cités, ce dossier a eu un impact collatéral fort en supprimant les surverses et donc les eaux claires parasites dans le réseau d’assainissement. C’était l’axe numéro 1 du schéma directeur d’assainissement établi en 2013.

Sur quels critères avez-vous priorisé vos actions ?

Nous avons priorisé notre action sur deux critères principaux : la qualité de l'eau et le pilotage du réseau. Aujourd'hui nous pilotons totalement notre réseau, c'est-à-dire que nous connaissons le débit d’eau, nous pouvons repérer rapidement les fuites, nous connaissons la conductivité qui permet de déduire les niveaux de sulfates etc.

Le projet a-t-il été le fruit de concertations, d'échanges, par les parties concernées ? Par la population ?

Comme je n'étais pas encore en fonction à l’aube du projet, je ne peux vous répondre précisément. Je sais, en revanche, que des réunions avec les propriétaires des terrains concernés par les travaux ont été organisées. Il y a également eu des communications régulières concernant les actions mises en place.

Quels sont les objectifs visés par votre action (finalité, objectifs généraux, spécifiques, opérationnels) ?

Les deux objectifs principaux sont : une meilleure gestion des ressources et la sécurité sanitaire de notre réseau.

Quel est le public cible du projet ?

La population du village.

Quelles stratégies avez-vous utilisé pour mobiliser le public concerné ?

Je n'ai pas connaissance d’une stratégie pour mobiliser le public.

Le public a-t-il été impliqué dans la conception du projet ? Si oui, comment ?

Ce que souhaite un utilisateur d’un réseau d’eau communal, c’est d’avoir de l’eau en qualité, en quantité et pas trop cher. Ce dossier n’ayant pas d’impact paysager, il n’y avait pas de raison que la population se mobilise. Elle a fait confiance aux élus.

Pour autant des réunions ont été organisées avec les propriétaires concernés.

Quelle est la durée du projet ?

L'étude a commencé en 2010. Aujourd'hui, en 2019, les travaux sont terminés ou presque, j’ai encore à publier les servitudes aux hypothèques

Quelle est la temporalité d'un tel projet ? 

Il faut près de 10 ans pour qu’un tel projet mûrisse et se concrétise.

Le projet a-t-il différentes phases ? Si oui, lesquelles ?

La première phase était la phase d'étude, durant laquelle nous avons fait l'état des lieux. Il s'agissait donc de l'activité d'hydrogéologues, qui devaient estimer la qualité des sources. Comme nous allions abandonner des sources, il nous fallait trouver des solutions pour tout de même avoir autant d'eau qu'au départ. Nous avons donc bouclé tous les réseaux et, en récupérant les surverses, nous y sommes parvenus. Mais rien n'était joué au début du projet.

Le public participe-t-il à l'action ?

Non.

Quelles actions ont été mises en place ? Où ? Quand ? Comment ?

Nous avons mené des travaux de rénovation de 2014 à 2019. Nous avons remplacé 2,3 kilomètres de canalisations, ce qui n'avait jamais eu lieu sur la commune. Nous avons abandonné certaines sources, en avons mieux capté d'autres et mis en place un système de priorisation des sources. Nous avons établi des périmètres de sécurité, rassemblé toutes les eaux au même endroit afin de les traiter et y avons mis en place un relevé de débit et des taux de sulfates grâce à des compteurs télé-relevables, qui nous permettent d'avoir un suivi régulier. Nous avons également bloqué les surverses, afin de n'utiliser que l'eau dont nous avons besoin. Cette multitude de critères fait que l’on peut dire que nous venons de changer de siècle en termes d’exploitation de réseau d’eau potable.

Quel est l'échéancier du projet ? Comment a-t-il été élaboré ?

Cf. question sur la temporalité du projet.

Quels ont été les moyens alloués au projet (budget, ressources humaines, formations, moyens techniques, etc.) ?

Le montant des travaux s'élève à 582 000 euros TTC, ce qui est énorme pour la commune. Nous avons donc réalisé un emprunt de 150 000 euros et eu recours à des subventions. L’employé communal et les élus ont également été très présents pendant toute la phase de construction.

Comment les expériences de terrain sont-elles transmises aux décideurs ? Aux responsables ? Aux financeurs ?

Nous avons mis en place un système de surveillance des taux de sulfate que nous regardons quotidiennement.

Il y a-t-il un comité de pilotage ? Si oui, qui le compose ? Quels sont ses objectifs ?

Il y a eu beaucoup de réunions avec les différents partenaires, entreprises et maître d’œuvre. 

Combien de réunions de comité de pilotage avez-vous organisées ?

Nous n’avons pas compté le nombre de réunions.

Qui a été le coordinateur du projet ? A-t-il différents rôles dans la structure ?

J’ai assumé ce rôle de coordinateur et de fil conducteur sur plusieurs années.

Quels sont vos partenaires ? Quel rôle ont-ils joué dans le projet (opérationnel, financier, consultatif) ? Comment ont-ils rejoint ce projet ?

L'hydrogéologue, l'ARS, et le département sont nos principaux partenaires. Le département et l'Agence de l'eau sont nos partenaires financiers. Notre partenaire opérationnel est l'entrepreneur, AMCV, mais aussi Véolia et le bureau d'étude Saunier. Nous avons aussi fait appel à des géomètres et des analystes de l'eau.

Comment avez-vous évalué votre projet ? / Qu'avez-vous évalué (résultats, processus) ?

Depuis 2015, les analyses de l'eau en matière de taux de sulfate et de pollution microbienne ne donnent plus aucun mauvais résultat. Ce n'était pas le cas avant. Aujourd'hui nous pilotons les débits et nous avons des taux de sulfates qui entrent dans les normes. L'évaluation finale du projet a eu lieu le 8 février 2019 en commission départementale avec à l’issue un avis favorable.

Qui a évalué ?

Le Conseil départemental de l’environnement, des risques sanitaires et technologiques (CODERST). Cette commission est composée de 25 membres représentant l’Etat, les collectivités, des associations et des personnes qualifiées. Parmi toutes ces personnes, il y avait bien entendu la DDT, l’ARS et un hydrogéologue.

Quand l'évaluation a-t-elle lieu ?

8 février 2019.

Quels ont été les résultats (quantitatifs et qualitatifs) de l'évaluation ?

Les résultats sont très positifs. Nous n'avons plus aucun résultat négatif depuis 2015.

Avez-vous observé des effets inattendus (émergence d'une autre problématique, nouveaux partenariats, etc.) ?

Nous n’avions pas prévu que le blocage des surverses allait conduire à une légère augmentation des pressions qu’un certain point du réseau ne pouvait pas supporter. Nous avons donc remplacé en urgence près de 600 m de réseau qui supportait jusqu’à 16 bars.

Si un autre territoire souhaitait reproduire votre action, quels conseils lui donneriez-vous ?

Il faut s'armer de patience pour mener à bien un tel projet, mais je dirais que c’est nécessaire, afin d’assurer la sécurité sanitaire des administrés mais également plus de sérénité et de professionnalisme dans l’exploitation des réseaux.

Avez-vous identifié des points sur lesquels vous souhaiteriez évoluer et vous améliorer ? 

Aujourd'hui nous souhaiterions développer un peu plus les compteurs que nous utilisons pour le suivi. C’est un vrai outil de pilotage en temps réel.

Pouvez-vous identifier un ou plusieurs moments clés attribuables à la réussite de votre projet ?

L'un des moments critiques de ce projet a été celui où nous avons abandonné certaines sources et avons dû trouver des solutions pour s’assurer de disposer malgré tout d’autant d’eau.

Comment le public a-t-il été informé de votre action ?

Je me suis attaché à toujours parler de cette action, dès que j'en avais l'occasion. Notamment une fois par an lors de la cérémonie des vœux durant laquelle nous parlons de ce qui a été fait l'année précédente et ce qui sera fait l'année suivante. Nous communiquons aussi à travers les bulletins municipaux, du site internet et plus généralement, chaque fois que l’occasion se présente.

Avez-vous valorisé votre action ? Auprès de qui ? Comment ?

Nous n'avons pas spécialement valorisé le projet car ce n'était pas l'objectif visé. Nous avons fait une inauguration le 20 juin 2016, classique, avec les grands élus, le sénateur, député, mais également sous-préfète... J’oubliais, aujourd’hui est une phase de valorisation et j’espère, même si je le répète, ce n’était pas l’objectif, que cette expérience serve à d’autres.