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Hyères

Lutte anti vectorielle

Ville d'Hyères

Risques vectoriels

Entretien avec Jean-Brice Cortez, Service santé, prévention et risques de la Ville d’Hyères, Responsable de la démoustication et du plan communal de sauvegarde.

Interview de Jean-Brice Cortez, Service santé, prévention et risques de la Ville d’Hyères, Responsable de la démoustication et du plan communal de sauvegarde.

À quelle problématique répond l’action de votre service ?

L’action de notre service répond à la problématique de la nuisance causée par les moustiques. Sur la commune de Hyères, il existe deux sortes de lutte en la matière :

  • Une action de lutte de confort contre les moustiques des marais ;
  • Et depuis 2008, une action complémentaire en appui à celle du service de l’État ou du département sur la lutte anti-vectorielle c’est-à-dire la lutte contre les moustiques définis comme urbains.

Dans quels contexte et enjeux de territoire s’inscrit votre action ?

La commune de Hyères a une superficie de 13 268 hectares ou 132 km² ; c’est donc une commune assez large, avec une géographie qui génère des problèmes sur la thématique du moustique. Elle a 180 km de rivage dont 21 km de plage. 57 000 habitants sont présents sur la commune, mais ce chiffre triple ou quadruple en été avec l’activité touristique. Concernant plus particulièrement les moustiques, la ville de Hyères rassemble 3 165 hectares de zones agricoles, 6 308 hectares de zones boisées et 1 200 hectares de zones humides ou marais. 80 % du travail des agents de démoustication ont lieu sur ces 1 200 hectares. 

En termes d’enjeux sur le territoire, il y a beaucoup de travail d’analyse et de suivi saisonnier à fournir, l’aléa étant la prolifération des gîtes larvaires quel que soit la typologie de moustique. De plus, le réchauffement climatique implique un dérèglement des saisons et des conditions favorables au développement des moustiques. Les problématiques se multiplient depuis l’arrivée de l’Aedes albopictus en provenance de l’Italie dans les Alpes-Maritimes en 2004 et dans le Var en 2008. La ville de Hyères est désormais colonisée par ce moustique. Les enjeux publics, sont comme pour toutes les communes, de protéger au mieux la population notamment les établissements publics : crèches, Ephad, établissements de santé, écoles, bâtiments publics… Il faut aussi répondre aux nuisances causées aux administrés et monter des actions de prévention et un plan permettant de lutter au mieux contre cette problématique dans l’interface privé/public.

Un diagnostic a-t-il été réalisé pour permettre la mise en place de plans d’action ?

Historiquement, le service démoustication a été créé à Hyères dans les années 1960. Il a évolué depuis avec les différentes pratiques de luttes, mais aussi avec les obligations réglementaires liées à ces pratiques. Depuis les années 60 un diagnostic a été effectué pour lutter contre les moustiques des marais. Les deux espèces les plus représentées sur la commune sont l’Aedes detritus et l’Aedes caspius. Mais en 2018, le diagnostic nous a conduit à déclencher notre action principale à savoir l’acquisition d’un parc de bornes anti-moustiques. En effet, le diagnostic a montré un fort développement des gîtes larvaires et donc des nuisances, notamment à cause des conditions météorologiques. En effet, le début d’année a présenté une forte pluviométrie puis l’apparition immédiate de fortes chaleurs avec le rallongement de la durée d’ensoleillement, sans demi-saison. Ces conditions météorologiques ont été très favorables à la prolifération des moustiques, notamment de l’Aedes albopictus. Compte-tenu de la superficie de la commune de Hyères, les problèmes se sont multipliés, jusqu’à produire des impacts économiques. En effet, la saison touristique a été fortement impactée car la présence des moustiques n’était pas supportable pour les personnes qui avaient réservé dans les campings de la commune.

Cette action est-elle une volonté politique ?

C’est avant tout une mission de service public mise en place sur un ressenti technique et non pas sur une vision politique. Bien évidemment, en tant que service public, le politique nous a demandé de monter un plan d’action après cette saison estivale de 2018 qui englobait l’acquisition de ces bornes. Elles sont d’ailleurs l’un des éléments de notre boîte à outils qui comprend aussi des diagnostics préventifs, l’information de la population, le travail en collaboration avec le milieu éducatif, le renouvellement d’un certain nombre de nos pratiques notamment dans les marais pour être plus efficace. Nous avons aussi mis en place une coordination accrue avec les gestionnaires des zones humides qui appartiennent à la Métropole Toulon Provence Méditerranée, pour se coordonner sur les chemins d’accès, la mise en œuvre des traitements et éviter qu’il y ait des mises en eau sans pluie.

Quels sont les moments clés de cette action de lutte contre les moustiques ?

Après la saison estivale 2018, nous avons organisé une réunion publique avec tous les directeurs et gestionnaires d’établissements d’hôtellerie de plein air. Nous avons en effet de nombreux campings sur notre commune. Cette réunion s’est aussi tenue en présence de tous les services étatiques et collectivités territoriales compétents sur la lutte contre les moustiques, comme l’Agence régionale pour la santé (ARS), le Département du Var, un technicien de l’Entente interdépartementale de démoustication Méditerranée (EID) qui est l’organisme de référence pour la région, et évidemment l’élu de la ville de Hyères compétent.

Les premières bornes ont été mises en place en mars 2019. Le but était d’être opérationnel sur ces premières bornes fin avril 2019, dans les zones qui avaient été le plus touchées en 2018. Mais, en 2019, les conditions météo ont été totalement différentes de celles de 2018, les bornes ont par conséquent été moins nécessaires. L’installation de la dernière borne a été faite début septembre 2019. 191 bornes ont été installées en tout.

Sur quels critères avez-vous priorisé vos actions ?

L’état des lieux de 2018 a permis de définir les critères. Hormis les volets économique et touristique, nous avons été obligés, à la suite d’un contrôle de la Protection maternelle et infantile (PMI), de fermer un centre d’accueil de loisirs de jeunes enfants en raison de la présence de nombreux moustiques et d’un risque de transmission de maladies sur ce public sensible. Nous avons aussi observé une recrudescence dans le milieu urbain du moustique tigre et de l’Aedes albopictus. Ces constats nous ont conduits à la conclusion de la nécessité d’acquérir des bornes. Nous avons donc lancé un marché sur 4 ans. La première phase consistait à protéger les interfaces entre les zones humides qui sont très proches de notre littoral, lieu où il y a le plus d’activité économique et touristique. Nous avons aussi priorisé des centres de loisirs situés sur la même zone, pour les protéger. Ces bornes à moustiques sont placées entre les zones d’aléas et celles d’enjeux, c’est-à-dire entre les sites de prolifération larvaires et les lieux que l’on veut protéger : campings, centres de loisirs… Cette première phase a été mise en œuvre sur un périmètre de 30km sur notre commune, d’est en ouest. Il a fallu identifier les meilleurs positionnements pour protéger ces zones.

Le projet a-t-il été le fruit de concertations et d’échanges entre les parties concernées, voire avec la population ?

Il y a bien sûr eu concertation. La genèse est partie de l’activité économique, puisqu’il a été estimé que la présence de moustiques a entraîné une perte de 30 à 40 % de l’activité économique lors de l’été 2018. Des échanges avec les acteurs économiques ont été organisés, notamment pour les sensibiliser. En effet, l’installation de bornes sur le domaine public ne peut pas suffire. Sur leur domaine privé, ils doivent aussi mettre en assec après les pluies et faire des contrôles. Nous les avons invités à s’équiper en bornes et avons pour cela négocié un pourcentage commercial avec la société qui les fournit. 

Par ailleurs, Hyères est une commune très étalée. Nous avons mis en place des concertations avec les comités d’intérêt locaux (CIL) pour l’ensemble des quartiers. Ceux-ci nous informent des lieux où la nuisance est la plus forte, afin que nous fassions des choix cohérents entre le ressenti de la population et les diagnostics techniques de terrain. En termes de concertation sur les nuisances, nous avons aussi mobilisés les agents de la collectivité pour qu’ils nous informent des nuisances subies durant leur activité. C’est le cas par exemple des agents des espaces verts, des animateurs de centres de loisirs, du personnel de crèches… Nous avons consulté ces personnes et les avons aussi sensibilisées aux bonnes pratiques via des formations et de l’information sur comment lutter contre les moustiques et comment nous faire remonter les informations. Par exemple, si le toit d'un bâtiment est plat, il faut repérer les eaux stagnantes afin de les éliminer.

Ces échanges avec les différents acteurs du territoire ont permis de faire un état des lieux complet et de réduire la nuisance en menant les actions appropriées et en plaçant les bornes aux endroits stratégiques.

Quels sont les objectifs de cette action ?

L’objectif principal de ce plan d’action est de faire descendre le seuil de nuisance à un niveau toléré et tolérable. Bien sûr, sur un territoire comme le nôtre, nous n’arriverons jamais à 0 moustique, comme c’est le cas d’ailleurs dans tout le sud-est. L’objectif général est le montage du projet d’acquisition notamment des bornes et la réflexion sur les différentes phases. Au niveau opérationnel il consiste en une mise à niveau des connaissances pour tous les acteurs du plan. En ce qui me concerne par exemple, j’ai les connaissances et les compétences en termes de plan opérationnel, mais j’ai dû me former sur l’entomologie et les moyens de traitement. Tous les agents et moi-même avons ainsi suivi une semaine de formation à l’EID Méditerranée. Cette formation nous a permis de renouveler nos pratiques, en allant du dosage de produits à la qualification de notre matériel, en passant par la réactualisation de la certification des produits.

Quel est le public cible ?

Le public cible est l’ensemble de la population hyéroise car les bornes fonctionnent tant qu’il y a de la nuisance. Contrairement à ce que l’on a pu voir sur les réseaux sociaux, ce plan d’action ne vise pas que les touristes, il vise bien toute la population de la commune. Certains habitants n’ont pas compris le choix des zones d’implantation des premières bornes car elles n’ont pas été installées en milieu urbain. C’est pourquoi ils ont pensé que nous voulions protéger uniquement les touristes. Or les premières bornes ont été installées en priorité sur les zones fortement urbanisées entre les marais et la mer, dans lesquelles toutes les typologies de moustiques (tigres, urbains et des marais) sont présentes. En effet, malgré tous les traitements que nous appliquons dans les marais, nous ne pouvons pas éviter les éclosions venant des zones humides. Celles-ci doivent alors être contrôlées pour que le seuil de nuisance soit tolérable et toléré. 

Quelle stratégie avez-vous utilisée vis-à-vis du grand public ?

La stratégie est de mobiliser les populations. Nous avons donc fait le tour de tous les campings pour donner des plaquettes d’informations. En effet, quand vous êtes au camping et qu’il pleut, ce n’est pas le service technique du camping qui va vider vos récipients laissés à l’extérieur et qui peuvent contenir de l’eau stagnante. Nous avons fait de même avec les établissements de santé qui ont d’ailleurs des obligations édictées par l’ARS en matière de lutte anti-vectorielle. Nous avons été service support avec ces établissements, pour analyser leurs espaces et définir les points d’attention à retenir en priorité. Nous avons aussi lancé une campagne média : presse et radio locales, dépliant réactualisé… Le site de la ville d’Hyères rassemble le dépliant et des informations notamment sur les bons gestes à tenir. Des réunions publiques ont aussi été organisées dans les CIL. Une présentation du plan d’action a été faite lors du Forum Santé et Environnement. Une sensibilisation auprès des enfants scolarisés a aussi été faite. Malheureusement, elle n’a pas pu être réalisée sur le temps scolaire avec l’Education nationale parce que cette action devait être intégrée dans les programmes et projets d’écoles, ce qui est complexe à mettre en œuvre. Les mercredis après-midi et durant les vacances, nous sommes intervenus dans les centres périscolaires en utilisant un outil pédagogique mis à disposition par le département : le Mouskit outils pédagogique créé en partenariat par le Comité régional d’éducation pour la santé Provence-Alpes-Côte d’Azur (https://www.mouskit.org/). Grâce à celui-ci, nous leur avons fait faire de l’élevage de larves mais aussi un grand jeu baptisé « chasse aux moustiques ». Ces actions ont été menées auprès d’enfants de 8 à 13 ans. Ils ont reçu un diplôme de chasseur de moustiques, ainsi qu’un dépliant. L’objectif était qu’ils sensibilisent leur famille en s’aidant du dépliant. 

Nous continuons aujourd’hui à mobiliser le public. Nous avons en projet sur l’année 2021, de sensibiliser en réalisant des diagnostics préventifs plutôt que répressifs. Nous n’avons pas un gros arsenal répressif car nous privilégions la sensibilisation. Il s’agit d’agir par quartier. Nous envoyons un courrier aux habitants, puis nous nous déplaçons chez eux pour lister les points sensibles. Actuellement ces actions sont menées en réaction à la suite de plaintes plutôt qu’en anticipation. Si des personnes qui ne veulent pas agir chez eux sont repérées, nous faisons des rappels réglementaires, au titre du règlement sanitaire départemental, jusqu’à une verbalisation en s’appuyant sur les pouvoirs de police du maire et sur le Code général des collectivités territoriales (CGCT). Mais notre objectif est de faire de la prévention, en informant, pour que les habitants intègrent les bonnes pratiques de lutte contre le moustique.

La population est-elle incluse dans la conception du projet ?

Elle n’est pas incluse dans la formalisation du plan d’action. Mais bien sûr, elle est englobée sur certains leviers du plan d’action. Cela va même plus loin. Il y a des quartiers où les habitants ont été consultés et où le choix des lieux d’implantation de bornes a été fait en concertation avec eux. D’autres implantations de bornes ont été imposées du fait d’exigences techniques. Dans ce cas, nous expliquons aux habitants les raisons pour lesquelles ces implantations ont été choisies afin qu’elles soient acceptées. En effet la plupart des habitants n’a pas beaucoup de connaissances sur le moustique, nous les informons donc sur le sujet : c’est la femelle qui pond et qui pique, elle peut pondre 8 fois sur sa durée de vie, soit entre 1 et 2 mois et jusqu’à 100 œufs par ponte… La quantité d’œufs pondus est énorme, ce que la population ne mesure pas forcément. Nous ne pouvons pas tout contrôler sur ce territoire de 13 400 hectares avec 7 agents. 

Nous nous appuyons aussi sur les relais de quartier en milieu urbain dans lesquels la population a été englobée car ils nous font remonter les informations sur la nuisance du moustique. 

Le projet a-t-il différentes phases ?

Le plan d’action global a pour vocation d’être pérenne. Concernant l’implantation des bornes anti-moustiques, il est pour l’instant établit sur quatre phases, c’est-à-dire que l’installation se poursuit jusqu’à fin 2021.

Le public participe-t-il à cette action ?

À chaque fois que nous franchissons une étape, nous consultons les relais locaux quels qu’ils soient : CIL, associations, syndicats libres, copropriétés, syndics… Sans oublier bien sûr la consultation des agents publics.

Quelles actions ont été mises en place ?

À partir d’octobre 2018, nous avons commencé les actions de formation, prévention et sensibilisation, notamment via le nouveau dépliant, avec des réunions publiques et des diagnostics techniques. Nous avons bien sûr appliqué des traitements anti-larvaires à la fois terrestres et aériens. A partir de janvier 2019, nous avons débuté l’implantation des bornes.

De quelle façon a été élaboré le projet ?

Le plan d’action de lutte se veut pérenne et comme tout plan écrit, il va être actualisé et modifié au fil du temps selon les besoins, les demandes et les repérages techniques. Il a été élaboré à la suite d’un état des lieux et un diagnostic effectué après les deux mois d’une saison estivale particulière et en partenariat avec des institutionnels que sont les services de l’État, de la Métropole, et l’EID, mais aussi la population avec les réseaux déjà mentionnés.

Quels sont les moyens alloués au projet ?

En 2019, nous a été alloué un budget d’investissement de 700 031€ qui englobe :

  • le marché des bornes anti-moustiques,
  • un achat de drone qui n’a pas pu être réalisé faute d’avoir un pilote certifié,
  • les chantiers de débroussaillement des accès en zones humides, en partenariat avec le gestionnaire, à savoir la Métropole Toulon Provence Méditerranée et le propriétaire, le Conservatoire du Littoral.

Ainsi qu’un budget de fonctionnement de 106 000€ qui comprend :

  • l’achat des produits anti-larvaires,
  • le matériel technique, notamment d’entretien,
  • les traitements aériens pour lesquels nous avons un marché dédié car nous n’avons pas de pilote en interne.

Pour la démoustication le budget total de 2019 s’élève à environ 813 000 €.

En ce qui concerne l’année 2020, le budget global est de 768 000 €, qui se détaille en 390 000 € sur l’investissement et 378 000 € sur le fonctionnement.

Les écarts sur les lignes comptables et budgétaires s’expliquent par le fait que la première année, l’installation des bornes correspond à de l’investissement. Un pack est acheté comprenant l’acquisition de l’appareil, l’entretien, etc. La deuxième année, toutes les bornes installées l’année précédente, passent sur le budget fonctionnement (entretien, réparation…).

Comment les expériences de terrain sont remontées à vous ?

Les remontées se font d’abord par les agents de terrain et les autres agents de la collectivité qui travaillent en extérieur et qui subissent les nuisances comme tout le monde. Par exemple, lorsque des agents d’entretien des espaces verts ont été piqués par les moustiques lors d’une intervention programmée aux horaires conseillés pour éviter le pic d’activité des moustiques, ils nous le mentionnent en décrivant le type de moustiques présents. Cette information est importante pour nos analyses. 

Nous recevons aussi toutes les remontées et plaintes des administrés et professionnels de l’hôtellerie, ainsi que les déclarations de suspicion de cas humain d’arboviroses (maladies transmises par les moustiques) faites par l’ARS au maire dans le cadre de la lutte anti-vectorielle.

Toutes ces informations collectées sont traitées et sectorisées afin de mettre en place des actions adaptées.

Par qui est financé ce plan d’action ?

Le financeur unique et principal de ce plan d’action communal est la commune. Les financeurs par pyramide et par compétences, sont ainsi le maire et l’adjoint aux finances. Ils étaient prêts dès le départ à débloquer la somme nécessaire. Nous avons chiffré le budget nécessaire afin de lutter contre ces nuisances, qui a été accepté. C’est une somme assez importante pour un budget communal et sur ce genre de thématique, qui nous permet d’avoir les moyens financiers et humains pour mettre en place efficacement ce plan d’action. Concernant les moyens humains, nous avons demandé à avoir des saisonniers non pas uniquement pendant 2 mois, mais 6 mois et pas forcément l’été. Le fait de les avoir 6 mois, d’avril à novembre, nous permet de les former et de les faire intervenir sur les missions de prévention, de nettoiement et de diagnostic. 

Un septième agent a été recruté dans l’équipe permanente en 2020, puis un huitième le sera en 2021. Nous serons alors 10, avec moi-même et une coordinatrice spécifique à la démoustication. Toute cette organisation a été mise en place à partir de 2019.

Avez-vous organisé des comités de pilotage ?

Nous sommes en métropole depuis janvier 2019, il a ainsi fallu mettre en place des décisions techniques faisant le pont entre commune et Métropole. Notre plan d’action intervient en effet sur les deux secteurs :

- gestion de la stagnation de l’eau dans les bâtiments publics,

- formation des agents de la collectivité à être attentifs aux moustiques au même titre que les acteurs privés,

- lien avec les services techniques métropolitains (espaces verts, pluviaux, voirie),

- gestion des bornes qui sont reliées sur le réseau à basse tension des candélabres, qui sont eux-mêmes gérés par la Métropole.

Des comités techniques de pilotage ont par conséquent été organisés. L’objectif était de regrouper tous les acteurs et d’identifier et répartir les compétences. Il n’y a pas eu de comité de pilotage avec les administrés. Nous sommes passés par des canaux de communication spécifiques et locaux, quartier par quartier et par petits groupes, sans oublier la campagne média.  

Qui est le coordinateur du projet ?

Le coordinateur du projet est la commune. Elle s’assure que le plan d’action se déroule et que les moyens financiers et humains sont suffisants. Notre service a aussi pour rôle de rappeler à la population l’utilité et l’efficacité de ce plan chaque année. Tant que les agents sont vus par la population en train d’installer des bornes, elle se rappelle l’utilité et l’efficacité du plan, mais dans 4 ou 5 ans, lorsque les agents feront surtout de l’analyse et de l’entretien, elle pourra en avoir moins conscience. 

Mon rôle est aussi de faire prendre conscience et d’amener la population à avoir une culture de la mise en assec de plus en plus pointue et efficace pour limiter la nuisance. Notre territoire contient énormément de résidences secondaires, ce qui est un vrai point noir car il est difficile de pouvoir y faire un état des lieux et des notifications par notre service ou par la police municipale.

Quels sont vos partenaires ?

Les premiers partenaires sont la Métropole Toulon Provence Méditerranée et le Conservatoire du littoral qui est le gestionnaire des zones humides. Puis les services techniques métropolitains et communaux, l’EID Méditerranée pour la formation et enfin le département du Var et l’ARS pour la lutte anti-vectorielle. Le département nous a fourni les supports pour nos actions en milieu éducatif. L’ARS a un rôle essentiel, notamment lorsqu’il y a des déclarations d’arboviroses par un médecin et que la décision de mettre en place un traitement adulticide est prise. L’aide de la commune peut être demandée dans ce cadre, pour la formation et la mobilisation de la population.

Votre projet a-t-il été évalué ? Si oui comment et par qui ?

J’ai évalué le projet selon le critère de son impact, soit par le nombre de captures de moustiques dans les bornes. En 2019, l’étude a été faite entre le 10 juillet et le 30 septembre, et nous avons recensé 167 042 moustiques femelles dans ces bornes. Nous partons du principe qu’une femelle pond sur sa durée de vie (un à deux mois), entre 200 et 600 œufs, soit une moyenne de 400. On divise ce chiffre par deux, pour retirer les mâles car ce sont les femelles qui sont notre cible (ce sont elles qui pondent et piquent). En appliquant ce principe, nous estimons que le projet a permis d’éviter l’apparition de plus de 33 millions de moustiques femelles sur le territoire. Ce critère chiffré est très parlant, sachant que nous avons choisi de couvrir dans la phase 1 une surface importante dans laquelle sont présentes toutes les typologies de moustiques. 

Un autre critère d’évaluation est celui de l’identification d’éléments qui ne l’avaient pas été jusqu’alors. Par exemple, sur les toits plats, il peut y avoir un système d’évacuation d’eau, sous lequel quelques centimètres d’eau stagnent. Pour éviter cette eau stagnante, nous préconisons de mettre un tapis de sable. Ce sont des solutions techniques qui ont montré leur efficacité. 

Sur le domaine public, il y a encore des pratiques qui se font contre toutes nos recommandations. Par exemple, sur la voirie, territoire de la métropole, des travaux sont réalisés, en utilisant les plots en plastique orange et blanc. Nous conseillons de les lester avec du sable. Les agents nous répondent que ce n’est pas toujours possible et le font avec de l’eau. Dans ce cas, il faut utiliser un bouchon qui hermétise le plot, mais ce n’est pas toujours fait. Résultat, au bout de 7 jours, le plot devient un gîte larvaire. Ces gestes doivent être revus. Autre exemple concret, en cas de réfection de la voirie, il ne faut pas installer des bouches pluviales ou à égout avec des reliefs dans lesquels l’eau stagne. Nous continuons à informer sur le sujet, nous sommes optimistes sur l’acquisition de cette connaissance et des ces gestes.

Nous avons aussi eu des retours positifs de parents, qui nous sollicitent pour renouveler des interventions de sensibilisation. C’est le cas aussi dans certains quartiers. Cela permet de mettre en place des rencontres informelles, autres que de la réaction à une plainte, ce qui est un point très positif pour notre action et son acceptation. Nous avons eu une trentaine de visites de ce type sur la commune, l’objectif étant de les multiplier chaque année, pour développer la culture de la mise en assec sur la commune de Hyères. 

De nouveaux partenaires ont-ils rejoint le projet ?

Nous avons la chance d’avoir un Contrat local de santé (CLS) sur la ville de Hyères et plusieurs actions réglementaires sur l’environnement. Nous travaillons avec des associations de protection de l’environnement, comme la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ou l’association de la protection de la Presqu’île de Gien, qui nous font intervenir. Nous avons tenu une conférence lors de la fête de la science. Ce sont de nouveaux partenariats sur le volet de l’information et de la prévention. Nous n’avons pas de partenariats au niveau opérationnel.

Quelles sont les problématiques que vous rencontrez ?

Il faut savoir que tout changement entraîne des problématiques qui n’ont pas été forcément identifiées au départ. Concernant l’installation des bornes, nous n’avions pas repéré que le moteur de la borne en fonction émet un volume sonore de 60 dB, soit moins qu’un moteur de climatisation, mais qui cause des nuisances sonores pour certaines personnes. La prescription de départ est que la borne ne doit pas être installée à moins de 10 mètres d’une habitation. Mais la Presqu’île de Gien est un territoire particulier et certaines bornes ont dû être installées sur des candélabres à 4 mètres environ des habitations. À la suite de plaintes nous avons dû déplacer certaines bornes. 

Si un autre territoire souhaite reproduire votre action, quels conseils donneriez-vous ?

En France il y a deux sortes de lutte : la lutte anti-vectorielle et la lutte de confort. 

En ce qui concerne le département du Var, la compétence obligatoire est la lutte anti-vectorielle : création de kits, financement de l’EID pour les traitements adulticides quand il y a des cas de maladies vectorielles. 

Le département du Var a identifié deux territoires de zones humides : la Communauté d'Agglomération Var Estérel Méditerranée (CAVEM) et Hyères, dont il a décidé de faire gérer la lutte de confort par ces territoires et leurs propres agents.

Il a le choix de travailler aussi sur la lutte de confort. Cela a été fait dans d’autres autres départements (Gard, Hérault…) par l’EID Méditerranée qui a des agents de démoustication qui interviennent dans les zones humides. Cependant Hyères est la seule commune à gérer le problème toute seule dans le Var. C’est important de le souligner, car la commune de Hyères met des moyens conséquents pour cette lutte. On a un territoire étendu avec un budget correspondant à la situation. 

Nous donnons régulièrement des conseils aux autres territoires car nous sommes référents avec le parc de bornes le plus important. Nos conseils sont de bien concevoir le marché afin d’avoir les moyens suffisants et de tout prévoir pour éviter les plaintes et les problématiques techniques, notamment en s’inspirant des problématiques que nous avons rencontrées : raccordements, plaintes, les emplacements… Les conseils sur le plan d’action lui-même vont être ceux donnés par l’État et les organismes publics agréés, à savoir élever et diffuser la culture à la population de la mise en assec.

Combien de bornes avez-vous sur le territoire de la commune ?

En 2019, 191 bornes étaient installées et 143 l’ont été en 2020, soit un parc de 334 bornes à la fin de l’année 2020. A priori nous devrions en installer une centaine en 2021. Il devrait donc y avoir environ 434 bornes installées à la fin 2021. Il n’est pas prévu d’en installer en 2022, d’où la nécessité de réfléchir à comment reprendre le plan par la suite en régie, pour en réduire les coûts. Il s’agirait de faire livrer les consommables, puis former les agents à la maintenance, et de ne payer que le coût des consommables, à savoir une bouteille de CO2 et du leurre olfactif une fois par mois.

Avez-vous identifié les points sur lesquels vous souhaitez évoluer ?

Oui, il s’agit de nous améliorer sur le maillage du territoire, en matière de formation préventive et des diagnostics chez les acteurs privés. Le fait d’avoir une base de données SIG (système d’information géographique) sur les quartiers les plus sensibles et à surveiller serait utile pour effectuer un suivi des diagnostics préventifs et des contrôles. Les quartiers sont nombreux à Hyères et 60 % d’entre eux sont à résidences secondaires. Les périodes pendant lesquelles nous pouvons intervenir pour faire de la prévention et des diagnostics correspondent donc à celles où nous avons beaucoup de travail opérationnel. D’où la nécessité d’employer du personnel saisonnier en renfort pour nous permettre d’évoluer sur ce point.

Avez-vous identifié des moments clé de la réussite de votre projet ?

Le plus gros moment clé, c’est septembre 2019. Nous avons pu faire un bilan et interroger les administrés. Même si les conditions météorologiques étaient moins favorables à la multiplication des moustiques, nous avons constaté que les bornes avaient eu l’effet escompté en termes de capture mais aussi de retour du public. 

Nous avons eu de retours positifs de la population, des professionnels de l’hôtellerie et de la santé, mais aussi des services techniques. 

Comment avez-vous informé le public de votre action ?

Pour informer le public de notre action, nous avons utilisé la presse et les radios locales, les réseaux sociaux, et même des émissions de télévision nationales, dont une devrait revenir à la saison estivale 2021. D’autre part, nous faisons distribuer des dépliants dans les centres de loisirs. Nous informons aussi la population via le journal municipal et le site internet de la ville. Des applications pour tablettes et smartphones ont été créées par le service informatique de la ville, dont une sur les risques majeurs (Hyères risques), par laquelle nous pouvons transmettre des messages. Par exemple, après des orages, nous sensibilisons les particuliers via cette application afin de les inciter à vérifier qu’il n’y a pas d’eau stagnante chez eux et la vider le cas échéant.

Avez-vous valorisé votre action ?

La valorisation est faite par la communication des élus. Le maire valorise notre action à chaque réunion publique dans laquelle il est interrogé sur le sujet. Il communique sur les moyens mis en œuvre et les résultats. Notre service le fait aussi à chacune de ses interventions, comme lors de notre intervention à la fête de la science. Tout cela se cumule au plan médias pour valoriser notre action.

En quoi ce plan a-t-il permis de faire évoluer le service ?

Actuellement, les agents bénéficient surtout d’une meilleure information. Nous avons aussi recruté un nouvel agent pour compléter l’équipe et un autre recrutement est prévu l’an prochain. Pour être encore plus efficace, il faudrait encore plus de personnel et un budget plus important pour investir dans du matériel de pointe. Nous avons toutefois de bons moyens et sommes bien dotés, ce qui nous permet d’être efficaces dans le cadre de ce plan.